[MAF de Seysses] Sur la situation des détenues
Retour sur la situation à la Maison d’Arrêt pour Femmes de Seysses depuis le 10 mai 2013, date à laquelle une première lettre faisant état des mauvais traitements infligés aux détenues a été envoyée à la radio Canal sud.
Tout d’abord, un petit point sur la Maison d’Arrêt de Toulouse Seysses, afin de situer un peu de quoi on parle.
Mise en service en 2003, elle est dépeinte comme l’avant garde de la nouvelle politique d’enfermement, sécurité renforcée et organisation au millimètre près. Avec une capacité de 596 détenu.e.s, réparti.e.s en deux quartiers hommes, un quartier femmes, un pour les nouveaux arrivants, un SMPR (service médico-psychologique régional), un quartier disciplinaire, un quartier d’isolement et un espace « d’activités » où les détenu.e.s peuvent travailler, faire du sport et aller à la messe. Tous les quartiers, excepté celui des femmes, sont équipés de grilles, en plus des barreaux.
Au mois de mars de cette année, la Ligue des Droits de l’Homme avait fait un rapport plutot »accablant » selon leur termes sur cette prison, qui malheureusement ressemble à toutes les autres. France3 s’en indigne ici
Au début du mois de mai, les émissions anti-carcérales Yoyo et Bruits de Tôles, de la radio libre ou mourir, Canal Sud, recevaient un courrier d’une détenue de la MAF, tirant la sonnette d’alarme et poussant un coup de gueulante.
Nous reproduisons ici ces lettres. Un appel à mobilisation est fait, nous ferons suivre ici les nouvelles.
La première lettre
Seysses, le 10 mai 2013
Incarcérée à la prison de Seysses, quartier femmes, je souhaiterais alerter l’opinion publique sur les conditions de détention qui nous sont infligées. Des exemples concrets de propos diffamatoires, méprisants, condescendants tenus par les surveillantes sont légion. Nous avons alors tenté de prévenir la direction mais il semble que nos courriers n’arrivent jamais dans le bureau, nos lettres étant interceptées par les surveillantes. A bout de nerfs, épuisées par ces conditions de détention rythmées par la répression, les brimades et les pressions, nous avons entrepris aujourd’hui une action afin de tenter de faire bouger les choses. En effet, depuis 10 jours, il y a eu 5 tentatives de suicide au quartier femmes et aujourd’hui, alors que nous avons voulu avoir un entretien avec la directrice, celui-ci nous a été refusé. Après maintes menaces de la part du personnel pénitentiaire, trois d’entre nous, poussées dans leur dernier retranchement ont avalé des cachets, moi-même je me suis auto-mutilée. Ces gestes de désespoir ne traduisent que le climat exécrable qui règne ici. Par ce courrier, nous souhaiterions dénoncer le harcèlement et les pressions psychologiques que nous subissons de façon répétée. Pourriez-vous S.V.P. lire notre courrier à l’antenne d’une part et alerter les médias pour nous. Nous craignons que l’une d’entre nous ne se fasse plus de mal que de raison. Nous vous en remercions.
Détenues de Seysses, Quartier femmes.
La seconde
MAF de Seysses,
le jeudi 30 mai 2013Madame, Monsieur de la radio
Je viens à vous pour dénoncer les maltraitances que l’on subit à la MAF de Seysses, que ce soit en tant que spectatrice qu’en tant que persécutée. Tout d’abord, il y a 4-5 jours, une détenue basque espagnole que les surveillantes provoquent très souvent verbalement ! Donc notre collègue détenue Iti a demandé gentiment aux surveillantes de ne pas la tutoyer, que le respect doit être dans les deux sens, enfin voila le ton est monté et Iti a été passée à tabac, coups de pieds dans le ventre, etc. De là il l’ont jetée comme un chien au mitard (cellule disciplinaire). Il y fait très froid dans cette cellule, elle a réclamé une couverture et ils ne lui ont pas donné. Aussi, le lendemain Iti a été vue par le médecin à qui elle a fait part qu’elle était indisposée et qu’elle n’a rien, ni serviette ni papier toilette. Le médecin lui a donné de l’essuie-tout, ne serait-ce que pour l’hygiène, et en la remontant au mitard les surveillantes lui ont confisqué l’essuie tout. Iti a fait part de son mécontentement et, hélas, les surveillantes l’ont repassée à tabac. Résultat ils lui ont mis 25 jours de mitard dans des conditions inhumaines, sans hygiène, elle a froid, et pour faire valoir ses droits la pauvre Iti fait la grève de la faim avec une amie qui elle aussi fait une grève de la faim. Et pour les détenues qui ont tout entendu ou qui ne sont tout simplement pas d’accord avec leur façon tortionnaire, les détenues qui font un refus de plateau (de prendre le manger aux heures de repas), les surveillantes nous font comprendre qu’on a pas intérêt, elle nous dissuadent en nous faisant comprendre qu’il vaut mieux pas s’en mêler. Madame, monsieur de la radio il faut faire quelque chose et vous aussi chers auditeurs, auditrices, aidez-nous à ce que les choses changent. Les surveillantes se comportent pire que les détenues, elles nous mettent la pression, l’humiliation, elles jouent avec nous. Par exemple, hier, une maman était venue voir sa fille, et parce que cette vieille dame sonnait au portique à cause de son soutien-gorge – cette dame à même proposé d’enlever son soutien-gorge – malgré ça ils lui ont fait faire demi-tour et rentrer chez elle. Cette dame n’a pas de voiture, elle prend le bus, et la prison est à plus d’1h30 de la ville. Il y a aussi une jeune yougoslave qui a fait une fausse couche et qui n’a pas eu les soins adéquats, il y a aussi une détenue qui a été fouillée abusivement, elle l’a ressenti comme un viol et cela trois fois dans une pièce différente en interrompant son parloir. Je peux citer beaucoup d’autres abus. Nous sommes des détenues, pas animaux ! Il faut sincèrement que l’on nous aide. Nous, on ne peut rien faire du fond de notre cellule. Voilà pourquoi je vous demande de nous aider pour que nos conditions de détentions soient justes. Merci de m’avoir écouté, j’espère que ma lettre va pouvoir nous aider grâce à vous. Merci.
Le témoignage d’une ancienne détenue, reçu début Juin
Bonjour canal sud,
je vous écris pour apporter mon témoignage au sujet des mauvais traitements dénoncés à la M.A.F. de Seysses. J’ai été incarcérée pendant quelques mois dans cette prison il y a peu de temps et je ne peux que confirmer ce que disent les détenues dans leurs courriers.
Durant cette période d’enfermement j’ai assisté et/ou vécu plusieurs scènes dont je vous fais une liste, non exhaustive, ci-dessous :
régulièrement et pour des raisons injustifiées les parloirs sont annulées alors que les familles sont là et à l’heure.
les surveillantes lisent tout les courriers avant de les distribuer et divulguent volontairement leurs contenus à qui veut bien les entendre.
une détenue malade a été privée de nourriture parce que les surveillantes exigeaient qu’elle se lève elle-même pour prendre le plateau repas que sa codétenue était prête à lui récupérer pour l’aider.
les infirmier-es et médecins ne respectent pas le secret médical et divulguent des informations non nécessaires aux surveillantes.
une détenue a attendu près d’un mois avant de pouvoir subir l’intervention dont elle avait besoin, elle a faillit faire une septicémie tellement la prison a mis de temps à l’envoyer à l’hôpital.
alors que les femmes blanches et parlant français sont appelées par leur nom, les autres sont bien souvent désignées par leur nationalité ou région d’origine.
il n’y a aucun moyen de traduction mis en place par l’A.P, qui ainsi exclut la possibilité aux non francophones d’accéder aux même droits que les autres.
après chaque parloir les surveillantes effectuent une fouille totale à nu automatiquement sur chacune des détenues alors que cela n’est pas obligatoire. la fouille se fait dans un recoin mais tout le monde peut voir. C’est une pratique non nécessaire et rabaissante.
certaines détenues attendent plus d’un mois pour recevoir les repas adaptés à leur régime alimentaire.
les surveillantes, soit parce qu’elles ont la flemme de faire leur travail, soit simplement par vengeance, pratiquent la technique de l’oubli, c’est à dire qu’elle laissent les détenues dans la salle d’attente parfois pendant des heures (où il n’y a rien, ni toilette, ni eau, ni occupation)
… et j’en passe…Ce peut paraître des détails mais lorsqu’on est privée de liberté les proportions ne sont pas les mêmes. Ce qui est certain c’est que les surveillantes exercent leur toute puissance sur les détenu-es de manière arbitraire et font preuve de sadisme, et qu’elle bénéficient de la complicité de la direction qui les couvre. Je ne suis donc pas surprise que les problèmes à la M.A.F soient niés en bloc par l’A.P, qui en plus en profite lâchement pour pleurnicher sur ses conditions de travail. Si je vous écrit aujourd’hui c’est pour soutenir ces détenues et dans l’espoir que les média arrêtent de mettre en doute leurs propos.
Vous comprendrez que je ne signe pas de mon nom
Ces lettres ont été envoyées à plusieurs médias libres, ainsi qu’à la presse bourgeoise, voilà ce qu’il en ressort :
Un article de Carré d’info là
Un reportage et une interview de france3 midi-pyrénées ici
Pour aller plus loin, l’Envolée, journal et émission de radio anti-carcérale, pour en finir avec toutes les prisons.
P.-S.
Pour adresser des courriers à la direction de la prison :
Maison d’arrêt de Seysses
à l’attention de la directrice,
rue Danièle Casanova
BP 85
31 603 Muret Cedex
Tel : 05 61 56 68 68
Ou directement à la direction régionale de l’AP :
Direction interrégionale des services pénitentiaires,
à l’attention du directeur M.Georges Vin,
Cité administrative Bât G
2, boulevard Armand-Duportal
BP 81501, 31015 Toulouse Cedex 6
Tel : 05 62 30 58 09
Ou encore saisir le Contrôleur général des lieux de privation de liberté :
Monsieur le Contrôleur général des lieux de privation de liberté
BP 10301
75921 Paris CEDEX 19